De plus en plus de jeunes décèdent par crise cardiaque. La mort subite de Jed Henchiri a défrayé la chronique. Celle de deux autres joueurs de foot algériens, Anouar Omrich et Wassim Djezzar, au mois de mars a aussi fait couler beaucoup d’encre. Ces morts ont-elles un lien avec les vaccins du covid ? Faut-il imposer l’installation de défibrillateurs dans les stades et les entreprises ?
La mort subite correspond, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au décès soudain et inattendu d’un individu, sans cause apparente évidente, dans l’heure qui suit le début des signes. Elle peut survenir à tout moment, de manière spectaculaire, faisant soudainement s’écrouler, sans raison apparente, un sportif de haut niveau sur un terrain de foot ou atteindre une personne dans son sommeil ou derrière son ordinateur, quel que soit son âge. D’ailleurs, les études scientifiques sur les circonstances de survenue indiquent que la mort subite a lieu lors d’une période de repos dans 90 % des cas, et pendant un effort sportif dans 10 % des cas seulement.
En Tunisie, il n’existe pas de chiffres officiels détaillés sur les morts subites. D’après les statistiques internationales toutefois, on sait qu’elles touchent une personne sur mille dans le monde, comme l’indique l’OMS.En France, on compte entre 40 000 et 60 000 victimes chaque année, soit 10 fois plus que les accidents de la route.
Si ce décès brutal est plus facilement accepté dans le cas d’une personne âgée, il constitue un drame pour la famille et la société lorsqu’il s’agit d’une personne jeune, apparemment en bonne santé. De plus, de nombreuses questions sont soulevées : que s’est-il passé ?, aurait-il pu faire quelque chose pour éviter cela ?
Pour mieux comprendre le problème, nous avons contacté Docteur Wassim Saoudi, assistant hospitalo-universitaire en cardiologie à l’hôpital Farhat-Hached de Sousse et particulièrement spécialiste en cardiologie du sport, qui nous répond sur ces malaises fatals.
Les causes ne sont pas apparentes mais sont connues par les scientifiques
Identifier la cause permet une meilleure acceptation du décès par les familles ou quand il s’agit d’un personnage public.
Or, ce n’est pas un événement incompréhensible, mais plutôt la conséquence d’une maladie. Sans surprise, la majorité écrasante des morts subites sont d’origine cardiovasculaire comme l’indique Dr Wassim Saoudi. Le mécanisme le plus fréquent est un trouble du rythme cardiaque, et une part importante est liée à des pathologies génétiques. Ceci est prouvé par une histoire connue d’une maladie cardiaque héréditaire au sein de la famille ou encore par une autopsie qui établit la cause.
Contrairement à une idée répandue, l’arrêt cardiaque survient souvent donc chez des personnes ayant des problèmes cardiovasculaires préexistants bien qu’elles soient en bonne santé apparente.
Toujours selon Dr Saoudi, des causes génétiques font que le muscle cardiaque soit élargi et défaillant (cardiomyopathie dilatée) ou épaissi (cardiomyopathie hypertrophique). Il peut également s’agir de troubles du rythme cardiaque, ou encore d’anomalies des artères coronaires qui existent depuis la naissance. Le fonctionnement du cœur peutalors devenir brusquement chaotique et anormal et il n’arrive plus à perfuser les organes, en particulier le cerveau, d’où la mort. Dr Wassim Saoudi nous a indiqué que la plupart des personnes qui naissent avec ces anomalies génétiques n’ont aucun signe clinique. Parfois, ils peuvent ressentir des symptômes minimes comme des palpitations ou des malaises et des douleurs souvent négligées car elles ne sont pas très gênantes.
Une autre cause qu’on observe de plus en plus, même chez les jeunes, est l’infarctus du myocarde, lorsqu’une artère coronaire se bouche, du fait d’un caillot de sang qui s’est formé autour d’une plaque de cholestérol et qui stoppe l’apport de sang. Cela va priver le cœur d’oxygène, entraînant la destruction d’une partie du muscle cardiaque et donc l’arrêt du cœur. Il existe souvent des signes annonciateurs dans ce cas, le plus caractéristique étant une douleur thoracique oppressante ressentie même dans le dos, le bras gauche et la mâchoire et qui peut s’accompagner d’une fatigue intense et de sueurs.
Le sport et son rôle controversé
Des histoires de jeunes décédés subitement lors d’un entraînement sportif, comme un match de foot, sont souvent rapportées. Le sport est-il alors bénéfique ou dangereux ? En posant cette question à l’assistant hospitalo-universitaire en cardiologie, il nous a expliqué que la pratique d’une activité physique régulière contribue à la bonne santé cardiovasculaire. Mais s’il existe une pathologie cardiaque, notamment héréditaire, c’est souvent lors d’un entraînement qu’elle va se révéler.
C’est la cause de la mort subite des sportifs de haut niveau qui retient toujoursl’attention des médias et du public. Il y a donc un « paradoxe du sport » en ce sens, caren plus des bienfaits incontestables de l’activité physique sur la santé, des efforts vigoureux peuvent augmenter transitoirement le risque d’incidents cardiaques aigus mortels. Dr Saoudi insiste sur l’importance de s’y mettre progressivement et ne pas démarrer avec des activités intenses, en ce qui concerne ceux qui n’ont pas pratiqué de sport depuis une longue période. Il est également important de faire un bilan cardiologique avec son médecin traitant et signaler tout signe de palpitation cardiaque, de douleur à la poitrine, d’essoufflement anormal et de malaise survenant pendant l’effort ou juste après. Il faut penser à bien s’échauffer et à s’hydrater correctement. D’ailleurs, la déshydratation explique, selon Dr Saoudi, des cas d’incidents cardiaques survenus au mois de ramadan, bien que le jeûne soit très bénéfique pour la santé. Il s’agit de personnes dont les vaisseaux sanguins sont obstrués par des plaques de cholestérol et le manque d’eau aggrave cette obstruction au point d’induire des crises cardiaques.
Quant au tabagisme et au mauvais régime alimentaire, leurs effets sur le cœur s’observent après des années de cumul et ne sont pas perçus à un âge jeune.
Pas de lien de causalité avec le vaccin du covid
Le covid peut avoir des conséquences cardiaques, notamment une inflammation du muscle (myocardite) qui peut aboutir à des cicatrices et à un problème du rythme cardiaque de sévérité variable, allant jusqu’à la mort dans certains cas.
Cependant, Dr WassimSaoudi indique que ces mêmes problèmes peuvent survenir suite à une angine mal traitée ou une grippe banale.
Ce n’est donc pas une particularité du virus du covid. Concernant les vaccins, administrés dans le monde depuis deux ans, de nombreux internautes continuent d’affirmer sur les réseaux sociaux qu’ils sont dangereux et qu’ils provoqueraient des morts subites. Dr Saoudi répond qu’il n’y a à ce jour aucune preuve scientifiquede corrélation, encore moins de lien de causalité. Les personnes vaccinées décèdentde leurs pathologies cardiaques héréditaires ou acquises comme d’accidents de route ou de nombreuses autres causes. C’est donc une erreur d’attribuer au vaccin tous les décès signalés.
Pas de morts subites liées directement à tous les vaccins contre le covid donc, et encore moins d’«épidémie» de morts subites, rappelle Docteur Saoudi.
La prévention de la mort subite chez les jeunes est-elle possible ?
La mort subite n’est pas une fatalité, à condition que les risques aient été identifiés. Toujours selon Dr Saoudi, à la disparition d’un proche, l’enquête familiale s’inscrit dans une démarche de prévention puisque la mort subite risque de survenir chez d’autres membres de la famille. Avec ou sans maladie cardiaque déjà connue, il ne faut négliger aucun symptôme inhabituel, à l’effort comme au repos. Il faut consulter un médecin parce qu’une évaluation approfondie peut établir un diagnostic précocement et sauver une vie.